Thomas Flahaut - Bleu Laguna
Publié le 9 Juin 2025
quand je pense à la Zone elle est au printemps
son printemps de ruine
éternelle
Enfant de la Zone
Dans la préface de ce recueil, Fanny Taillandier dit :
« La poésie : ça parle ou pas ; ça touche, ou pas.
Et là ça touche ».
C’est exactement ce que j’ai ressenti à la lecture des poèmes de Thomas Flahaut. Touchée.
Et ce sentiment de faire communauté avec le poète.
Parce que moi aussi je suis une enfant de la Zone.
Ma Zone n’a pas un paysage montagnard, elle n’est pas dans le Doubs.
Ma Zone est proche de celle de Fanny Taillandier, elle se situe en banlieue parisienne.
Mon père ne travaillait pas chez Peugeot mais dans la métallurgie. Mon père n’avait pas une Laguna mais une Mégane et il aimait lui aussi drifter pour faire rire mes frères et moi.
Mais, nos Zones nous rapprochent, rapprochent la lectrice de l’auteur par la force des mots et ce qu’ils réveillent.
Un réveil brutal car on aimerait parfois oublier que l’on vient de la Zone.
« si je crache par terre c’est parce que j’ai
la haine du sol ».
Mais, quoi qu’il arrive, pour lui, comme pour moi :
« je pue le pays
où que j’aille
le pays me suit comme un nuage ».
On a beau faire ce que l’on veut, côtoyer les « gens dans les librairies », se déguiser, la Zone est toujours là.
Alors, comme elle suit à la trace, autant en faire quelque chose, autant en faire de la fiction ou de la poésie.
Thomas Flahaut dresse une livre-paysage, des poèmes-cartes, une moto-géographie pour raconter ce lieu qui lui colle à la peau et qui pourtant change sans cesse au point de ne plus ressembler au lieu de l’enfance :
« tous les lieux que tu as un jour aimés ou haïs
deviendront un jour suivant des Basic-Fit »
***
« j’ai vu
la Zone s’étaler comme
la tache de moisi près du lave-vaisselle
le sais qu’avant les Hypermarchés il y avait
le terrain vague
tout ça je l’ai vu ».
Où est la réalité, le souvenir, la fiction ? On navigue forcément entre deux eaux et c’est peut-être justement ce qui touche aussi dans ce recueil et que Fanny Taillandier dit bien mieux que je ne pourrais le faire : « l’émotion d’un monde qu’on ne pourra jamais vraiment décrire, mais qu’on écrira quand même ».