Emile Zola - La Fortune des Rougon
Publié le 16 Juin 2025
Les Rougon-Macquart #1
J’avais déjà lu plusieurs Rougon-Macquart mais je voulais connaître la genèse de cette immense œuvre. Il me fallait donc lire La fortune des Rougon.
Dès la préface, on connaît le dessein de Zola, à savoir suivre une famille tout au long du Second Empire : « j’analyserai à la fois la somme de volonté de chacun des membres et la poussée générale de l’ensemble ». L’objectif est de montrer de façon scientifique que l’hérédité a « sa pesanteur ». Emile Zola devient avec ce projet l’incarnation du courant littéraire naturaliste.
Tout commence avec Adélaïde Fouque dans la ville provençale fictive de Plassans. De son mari Rougon, elle donne naissance à un fils légitime, Pierre. De son terrible amant Macquart, naissent Ursule (qui donne ensuite naissance aux Mouret) et Antoine. La folie d’une mère engendre deux courants dans la famille : les Rougon, des êtres cupides et avides de pouvoir et les Macquart, marqués du sceau de la violence, de l’alcoolisme mais aussi de la folie.
Vient le 2 décembre 1851 avec le coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte mettant la Deuxième République à l’agonie. Dans la campagne de Plassans et des villes alentours, des insurgés prennent les armes souvent de fortune pour lutter contre ce coup d’Etat. Silvère Mouret, dix-sept ans, et sa petite amie Miette suivent le mouvement, poussés par l’idéalisme que leur jeune âge renforce. A contrario, chez les Rougon, tout est bon pour suivre le mouvement bonapartiste et réussir enfin à asseoir une fortune et surtout une légitimité sociale.
Outre l’aspect héréditaire, Emile Zola utilise ce premier tome pour glorifier la République et jeter les premières pierres d’une critique contre le Second Empire qui a chuté au moment de la rédaction du livre. Durant toute son œuvre, il dresse « le tableau d’un règne mort, d’une étrange époque de folie et de honte ».
Silvère et Miette, décrits comme bons et purs, sont l’incarnation d’une République sacrifiée à la fleur de l’âge. Miette, avec sa pelisse à capuche et son drapeau tenu fermement de ses petites mains, est une sorte de Liberté guidant le peuple des insurgés. Le parti-pris politique n’est en rien caché. Pour autant, chaque personnage est intéressant à suivre. Mon « préféré » est Félicité Rougon, la femme de Pierre. Ce dernier tente de l’éloigner des choses politiques mais c’est elle qui porte à bout de bras sa famille et lui permet de gravir les échelons. Elle est d’une audace, d’une cupidité et d’une assurance incroyables. Elle calcule tout et a souvent un coup d’avance. C’est vraiment un beau personnage même si ses valeurs sont affreuses.
Zola flirte sans cesse avec la caricature et le manichéisme sans pour autant plonger complètement dedans. Quelques personnages semblent à part, comme le Docteur Pascal, l’un des fils de Pierre, qui va avec les insurgés pour les soigner. La description de Silvère et Miette est parfois un peu trop romantique. J’ai pour autant trouvé toutes les scènes au puits assez belles. Ce qui peut sauver les quelques moments de faiblesse, c’est le style de Zola. Comme dans d’autres tomes, j’ai bien aimé cette alternance de lyrisme, de mordant, d’ironie. Il nous embarque avec lui et ne nous lâche pas.
Je vais donc poursuivre mes lectures ou relectures des Rougon-Macquart dans l’ordre chronologique de parution.