Ariana Harwicz - Erreur de jugement
Publié le 17 Septembre 2025
Tout perdre
Elle est argentine mais elle est installée en France, près de Sancerre. Elle est mariée, a deux fils. Nous la découvrons en plein dans la tourmente : accusée de violences sur son conjoint, on lui retire la garde des enfants. Elle n’a droit qu’à des visites dans un lieu surveillé, en présence de son mari. La situation la fait sombrer dans une forme de marginalité. Une seule chose l’obsède à présent : ses enfants, au point de les épier, de les suivre. Jusqu’au kidnapping. S’en suit une cavale en voiture émaillée de conversations téléphoniques entre les deux conjoints et de flash-back sur son arrivée en France, ses difficultés pour tomber enceinte et la cohabitation avec une belle-famille aussi envahissante que malsaine.
Jusqu’où peut aller cette fuite ?
C’est avec grand plaisir que j’ai renoué avec la plume d’Ariana Harwicz après son Crève, mon amour qui m’avait saisie. Tout comme dans ce précédent roman, la narratrice d’Erreur de jugement a une rage, une sauvagerie en elle. C’est son essence pour tenir, elle qui a tout quitté par amour et perd maintenant tout par amour. On sent qu’elle sombre de plus en plus dans une forme de folie égale à celle du monde qui l’entoure, de son entourage. Tout se mêle : colère, détresse, mal-être. Ses enfants sont ceux qui la maintiennent mais la conduisent aussi à la folie.
On suit en permanence les pensées de la narratrice et on découvre plusieurs facettes de ce personnage. On voit le sentiment de solitude, d’exclusion qu’elle a pu subir dans ce coin rural français où la belle-famille se révèle antisémite et xénophobe. Elle n’hésite pas à jouer avec le nom de famille Fournier pour le transformer en Fourniret. Cependant, on ne peut pas adhérer à tout ce qu’elle pense, à tous ses actes. C’est la force d’Ariana Harwicz d’offrir à son lecteur des personnages non manichéens, tellement complexes qu’on ne s’attache pas forcément à eux mais eux, sans nul doute, s’accrochent à nous, nous collent à la peau et nous mettent devant les yeux quelques réalités et frayeurs.
Il est clair que tout le monde ne pourra pas apprécier ce genre de livre mais c’est une expérience de lecture. Moi, j’adhère à fond dans cette cavale au rythme effréné qui soulève la fragilité et la bassesse des êtres humains.
Traduit de l’espagnol par Alexandra Carrasco.
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